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PIERRE CHAPPUIS, né en 1930, vit à Neuchâtel où il a longtemps enseigné. Auteur d'une quinzaine de recueils de poésie parus pour la plupart aux éditions José Corti qui l'ont accueilli dès 1990 et où figurent aussi des ensembles de notes et réflexions et des lectures critiques. Présent occasionnellement aux catalogues de La Dogana et des éditions Empreintes Parmi les revues, a surtout collaboré, ces dernières années, à La Revue de Belles-Lettres, Conférence, L'étrangère. Des livres d'artiste ont été réalisés avec Jean-Edouard Augsburger, Gisèle Celan-Lestrange, Ugo Crivelli, Gilles du Bouchet, Henriette Grindat, André Siron, Dominique Lévy, Marcel Mathys, Raoul Ubac, Albert-E. Yersin.
Bibliographie :
a) Editions Corti
- Moins que glaise (1990)
- D'un pas suspendu (1994)
- Pleines marges (1997)
- Distance aveugle précédé de L'invisible parole (2000)
- À portée de la voix (2002)
- Mon murmure mon souffle (2005)
- Dans la foulée (2007)
- Comme un léger sommeil (2009)
- Muettes émergences, proses (2011)
- Entailles (2014)
b) Collection En lisant en écrivant
- La preuve par le vide (1992, épuisé)
- Le biais des mots (1999)
- Tracés d'incertitude (2003)
- Deux essais : Michel Leiris / André du Bouchet (2003)
- La rumeur de toutes choses (2007)
Chez d'autres éditeurs
- Ma femme ô mon tombeau (éd. Robert, 1969, épuisé)
- Décalages (La Dogana, 1982, épuisé)
- Un cahier de nuages (Le feu de nuict, 1989)
- Le noir de l'été (La Dogana, 2003)
- Le lyrisme de la réalité (en collaboration avec Pierre Romnée & Claude Dourguin, La Dogana, 2003)
- Éboulis & autres poèmes précédé de Soustrait au temps (Empreintes, 2005)
- De l'un à l'autre (dans la compagnie d'artistes amis, La Baconnière/Arts, 2010)
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Montagnes & eaux (compacité et fluidité, union du stable et de l'instable) en chinois pour dire, concrètement, paysage. Nécessairement liées au lieu précis où elles apparaissent et, accidentellement, se révèlent à nous, les montagnes, les eaux n'en épousent pas les limites. Éprouvées dans leur présence élémentaire, elles n'ont point à être situées, ne répondent point à l'appel d'un nom. |
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D'après nature, titre longtemps maintenu à propos des proses réunies ici, pour la part essentielle qu'y tiennent les paysages, et pour son ambiguïté : au delà d'une relation simple, directe, immédiate avec ce qui nous entoure, l'expression notifie un passage par le détour de l'art, nécessitant travail sur le motif. En cause donc, tant les étendues dites des Grands Marais près de chez moi que, leur faisant écho, les pages de Sylvie par quoi nous devient si présent le Valois cher à Nerval ou, regardés d'un même œil, un paysage familier, de tous les jours, ou découvert inopinément, ou ressouvenu d'un rêve, et celui d'un tableau. |
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Que soudain, au détour de l'instant, un bruissement de feuilles, un banc de brouillard qui se déchire, un rien s'empare de nous et, si infime soit le lien, nous voilà tout à la réalité qui nous environne, régénérés comme on peut l'être à l'entrée dans le sommeil, affranchis de la chaîne des heures et des jours, et de nos embarras. |
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Vers ou prose éclatée ; impressions reçues, vives qui, refusant d’être fixées, n’auront pu être réunies en un faisceau étroit et cohérent (un peu comme il en est de nos visions de rêve au sortir de la nuit), si bien que les mots demeurent nécessairement en deçà de ce qu’ils voudraient ou devraient dire. Reste le désir — l’espoir — qu’en ce manque même réside leur pouvoir de suggestion. |
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Entre les mots tout comme entre toutes choses qui nous entourent et retiennent notre attention, l’espace est en cause prioritairement, un espace qui nous est propre si, selon Cézanne, "la nature est à l’intérieur" et s’il s’agit de rejoindre "la source impalpable des sensations". |
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L’œuvre de Michel Leiris, celle d’André du Bouchet ont, toutes différences gardées, ceci de commun qu’elles procèdent d’une passion, d’une exigence sans défaut, d’un même besoin de totalité, impossible remède à l’effritement, la diffraction. Ainsi, à la voix de l’un lancée éperdument dans le vide (avec quelle autorité !) répond, chez Michel Leiris, dans une prose envoûtante, le reproche d’une conscience en défaut, malheureuse de ne pas voir fusionner existence et poésie. |
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De même que chaque nouveau visage que nous aimons ou chaque instant que nous vivons est unique, mais s’insère dans un réseau de ressemblances, de même les poèmes de Distance aveugle (1962-1974), tout en étant à prendre pour eux-mêmes, ne cessent d’entrer en résonance l’un avec l’autre. Par un jeu d’oublis, de résurgences, d’associations fortuites, le livre pourrait fonctionner à la manière du rêve ou de la mémoire dont il arrive aussi que les séquences s’enchaînent sans esprit de suite en même temps que s’imprécise la frontière entre présence et absence. Mais toute réflexion, venue après coup, n’est-elle pas vaine ? Le poème ne respire qu’à l’intérieur d’un espace de silence recréé autour de lui; le vécu même dont il tire origine n’est sensible, au mieux, qu’en profondeur, pour laisser le champ libre. |
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Bien plus qu’être dans le courant, dans une continuité, écrire, s’agissant de la poésie, c’est aller d’instant en instant comme on saute de pierre en pierre là où, calmes ou agitées, les eaux le permettent. Ensuite, partant de morceaux épars, vient le moment de se mettre à l’écoute d’échos intérieurs en vue de constituer un ensemble, non pas un recueil mais véritablement un livre. |
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Demeurer dans l’instable ferveur de l’attente. À peine effleurer le sol. Avancer d’un pas d’ombre, en toute discrétion, d’un pas furtif qui ne dérange rien, ne laisse pas de traces, n’a rien d’une prise de possession. À juste titre, en pleine connaissance de cause, lâcher la proie pour l’ombre. |
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Dans les moments — ils sont légion — où les mots, palpables, frémissants (encore que farouches) ne semblent plus devoir surgir de leur propre mouvement, le besoin peut venir de prendre la poésie en quelque sorte à revers, quitte à s’ôter toute chance de ressaisie en n’ayant pas affronté pleinement mutisme et dépossession. Ainsi, bribes d’abord jetées au hasard, l’itinéraire d’une réflexion au demeurant partielle, incertaine a fini par se tracer tant bien que mal en pointillé à coups de repentirs, d’écarts autant que de retours aux mêmes points de vue. |
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Du poème écrit à la mémoire d’un ami n’ont subsisté finalement que quelques mots, quand nous serons moins que glaise, étrécis encore jusqu’à devenir le titre du présent ensemble. Le traverse, sans étouffer élans et sources, l’ombre d’autres disparus. L’absence ne règne-t-elle pas au cœur de la présence — notre présence aux êtres et aux choses ? n’est-elle pas aussi, quoiqu’obscur, rayonnement ? Nous sommes les autres, en quête d’eux au fond de nous-même, en quête de nous en chacun d’eux, en défaut tant que nous refusons de désencombrer souvenir et conscience d’un inutile bagage au profit de ce qui, au vrai, ne saurait qu’être laissé en blanc. |
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